Le mal antédiluvien aux mille noms
« Chaque maladie a, par elle-même, sa nature et sa puissance, Et aucune n'est inaccessible et réfractaire » - Hippocrate
L’épilepsie est l’une des maladies les plus anciennement au monde et semble livrée avec l’humanité. Ses noms et les croyances qui l’entourent varient au fil des époques, mais elle règne mystérieuse et relativement indomptée sur les animaux depuis les origines.
4000 ans av JC, on retrouve sa trace dans la médecine indienne.
2000 ans av JC, les différents types de crise sont décrits sur des tablettes babyloniennes.
L’épilepsie est la première maladie neurologique chez l’enfant et la seconde chez les adultes. En France, ce sont environ 700 000 personnes qui sont touchées, dans le monde, 60 millions. 1/3 des personnes épileptiques restent pharmaco-résistantes. Pour les grecs, qui voient dans l’épilepsie une punition divine, elle est « la Maladie Sacrée », ierè nosos. L’épilepsie devient ensuite plus spécifique : elle serait la punition d’une offense faite aux déesses de la Lune, Séléné et Artémis. Dans tous les cas, on attribue à la Lune, sa lumière et ses cycles une influence sur les crises. On la renomme « Maladie de la Lune », selèniasmos. Le malade est appelé selèniakos ou selèniazomenos. Le latin traduit ça par lunaticus, lunatique.
Hippocrate et son corpus sont les premiers à :
- envisager l’origine cérébrale de l’épilepsie, « La vérité est que le cerveau est l'origine de cette affection comme de toutes les autres très grandes maladies ».
- lui attribuer un caractère congénital, « le germe en commence chez l'embryon encore enfermé dans l'utérus ».
- à critiquer la théorie de la punition divine. Pour Hippocrate, la maladie n’a rien de sacré, « Voici ce qu'il en est de la maladie dite sacrée : elle ne me paraît avoir rien de plus divin ni de plus sacré que les autres, mais la nature et la source en sont les mêmes que pour les autres maladies. Sans doute c'est grâce à l'inexpérience et au merveilleux qu'on en a regardé la nature et la cause comme quelque chose de divin ; en effet elle ne ressemble en rien aux autres affections ».
Hippocrate supprime donc le terme de « mal sacré » et le remplace par celui de « grand mal ». Déjà à l’époque, il mentionne la stigmatisation dont sont victimes les individus épileptiques, « Les patients qui sont déjà habitués à la maladie pressentent quand ils vont avoir un accès ; ils fuient loin des regards, chez eux, si leur logis est proche ; sinon, dans le lieu le plus solitaire, là où leur chute aura le moins de témoins, et aussitôt ils se cachent. Ils agissent ainsi par honte de leur maladie, et non, comme plusieurs le croient, par crainte de la divinité qui les obsède ».
En Égypte, l’épilepsie est représentée par un hiéroglyphe : une ligne ondulée, un rouleau de tissu, deux feuilles de roseau, une miche de pain, un cobra et un homme avec un bâton. Le tout se prononce nejeset, la maladie qui était envoyée des dieux et qui était dangereuse. Les romains l’appellent morbus comitialis, la maladie des comices ou « mal comitial », depuis qu’une crise de César avait interrompu un comice. La croyance populaire y voyait un mauvais présage. Il était d’usage de cracher devant une personne épileptique, d’où le nom de morbus insputatus, la maladie devant laquelle on crache.
Les chrétiens et leur démonologie (sciences des démons, oui, oui) en font une possession démoniaque ou une manifestation du malin, avec des noms enchanteurs, tels que daemoniacus ou daemoniosus. Dès lors, seule la prière ou l’exorcisme peuvent sauver le patient.
Le nom que nous lui connaissons aujourd’hui, épilepsie, date du 4ème siècle av JC. Il vient du grec, epilepsis ou epilepsia, dérivé du verbe epilambanein, qui signifie saisir, attaquer par surprise mais aussi posséder.
- En 1770, Samuel Auguste David Tissot publie son traité de l’épilepsie : « Pour produire l'épilepsie, il faut nécessairement deux choses. Une disposition du cerveau à entrer en contraction plus aisément qu'en santé, et une cause d'irritation qui met en action cette disposition ».
- En 1815, Jean-Etienne Esquirol distingue les attaques légères, qu’il nomme petit mal, des attaques sévères, le grand mal.
- En 1857, un hôpital est créé à Londres pour les personnes épileptiques alors qu’à Zurich, des colonies sont formées. Sir Charles Locock découvre l’efficacité du bromure. Au même moment, les aliénistes français inventent l’idée d’ « équivalents épileptiques ». En résumé, ils élargissent la définition de l’épilepsie pour y faire entrer tous les « troubles mentaux aigus, à début et fin brusque, même en absence de convulsions ».
- « À partir de là et durant presque un siècle, on a essayé d’établir un lien entre épilepsie et criminalité. Tout sujet épileptique était criminel, et réciproquement il devait selon cette théorie y avoir une forte densité d’épileptiques parmi les criminels. S’en est suivi une longue période de confusion entre épilepsie et maladie mentale, qui a contribué à consolider la représentation délétère que l’opinion publique s’est fait de la pathologie à travers les âges, et qui agit aujourd’hui encore au sein de la collectivité ».
- Hughlings Jackson émet l’hypothèse, en 1873, que des décharges électriques brutales sont à l’origine de l’épilepsie.
- Le médicament Gardénal synthétisé en administré aux patients en 1912. Quelques années plus tard, Hans Berger enregistre le premier encéphalogramme, démontrant définitivement la théorie émise par Hughlings Jackson.
- En 1939, est introduit le Di-Hydan, puis la Dépakine et le Tégrétol dans les années 60. Dans les années 90, sont apparus le Lamictal, le Neurontin et l'Epitomax. Le Sabril, le Diacomit et l’Epidiolex sont les derniers médicaments apparus sur le marché. Saint Valentin : Saint patron des Épileptiques. Dès le 16ème siècle, les lieux où le Saint est passé deviennent des hauts lieux de pèlerinage pour les personnes épileptiques. Et quoi de plus normal que le patron du coup de foudre soit en charge des épileptiques ? L’épilepsie rien d’autre que ça : un coup de foudre dans le cerveau.
Saint Valentin : Saint patron des Épileptiques.
Dès le 16ème siècle, les lieux où le Saint est passé deviennent des hauts lieux de pèlerinage pour les personnes épileptiques. Et quoi de plus normal que le patron du coup de foudre soit en charge des épileptiques ? L’épilepsie rien d’autre que ça : un coup de foudre dans le cerveau.